Une question revient souvent : que deviennent les animaux de compagnie d'un foyer lors d'un divorce ? C'est à cette question que la Fondation 30 Millions d'Amis, entourée d'experts et d'avocats spécialisés dans le droit de la famille, tente de répondre
Les époux se séparent. Le juge va régler toutes sortes de problèmes comme la répartition des biens du couple. Mais qui va se voir attribuer la garde du chien ? Le chien est-il un "objet" de droit ou un "sujet" de droit ? Autrement dit, l'animal a-t-il voie au chapitre et peut-il décider lui-même de son choix ou pas ?
La question est légitime à l'heure où l'on recense qu'une famille sur trois en France possède un chien, soit 52% des Français*. 68 millions d'animaux domestiques pour quelques 62 millions d'habitants : c'est dire l'importance ! Un record en Europe. Les poissons, rouges et autres, tiennent le haut du pavé (36,7 millions), juste avant les chats (10 millions) et les chiens (8,6 millions). Viennent ensuite les oiseaux (8 millions de volatiles) et les petits mammifères (4,1 millions) rats, souris, mulots, hamsters. Quant aux NAC, ce sigle désigne les nouveaux animaux de compagnie sous lequel se cache 1 million de serpents, araignées et autres grouillants.
Avec la place grandissante occupée par les animaux domestiques dans la société, c'est au tour des chiens, chats et autres bêtes à poils et plumes d'être présentés à la barre. Dans son livre, Le Droit des animaux de compagnie (2005, éditions Chiron ), la juriste Valérie Svec note que "lors des procédures de divorce, les tribunaux sont de plus en plus nombreux à connaître de demandes relatives à la garde de l'animal". Impossible de mesurer la tendance. Maître Méjean, avocat spécialiste du divorce, est le premier à avoir plaidé la garde alternée pour enfants, concept importé de Suède en 1979. Un concept qu'il a du appliquer aussi à un chat, il y a plus de 20 ans, en le faisant garder une semaine chez monsieur, une semaine chez madame. "C'est la seule et unique fois où le cas s'est présenté, alors que j'ai plaidé plus de 6200 dossiers" rappelle l'avocat.
Mais le phénomène fait flores Outre-Atlantique et Outre-Manche. Une étude menée au Royaume-Uni en janvier et février 2005 auprès d'un millier de propriétaire montre que 39% d'entre eux sont prêts à se lancer dans une bataille judiciaire pour la garde de leur animal. Aux Etats-Unis, des avocats se sont même spécialisés sur le thème avec comme slogan : "You get the car, I get the cat". Traduction, "Tu as la voiture, je garde le chat".
En droit français, l'animal est considéré comme un bien "meuble" selon l'article 528 du Code Civil : "Sont meubles par leur nature les animaux et les corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent par eux-mêmes, soit qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère". L'animal appartient donc, théoriquement, à celui ou celle qui l'a acheté ou s'est déclaré comme son propriétaire auprès des fichiers contrôlés par le ministère de l'Agriculture. Pourtant, les juges sont amenés à affiner leur décision en fonction de paramètres tels que : qui a le plus de temps, d'argent, d'espace pour répondre au mieux aux besoins de l'animal ?
Que faire et dans quelle situation ?
Si les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens ou si l'animal a été acheté avant le mariage, sa garde (ou plus exactement son attribution en pleine propriété) reviendra à l'époux qui apportera la preuve de sa propriété exclusive en présentant le certificat de vente ou la carte de tatouage. La Cour d'Appel de Paris a ainsi décidé dans un arrêt du 5 juin 1991 que "les animaux étant des meubles par nature, il appartient à l'époux qui, après divorce, demande l'attribution d'un chien, de faire la preuve de ses droits privatifs comme sur un meuble ordinaire".
Si les époux sont mariés sous le régime de la communauté de biens et qu'aucun d'eux ne peut prétendre à la propriété exclusive de l'animal, c'est-à-dire que l'animal a été acheté en commun : soit les époux arrivent à se mettre d'accord sur qui garde quoi, soit les époux n'arrivent pas à se mettre d'accord et à négocier à l'amiable le sort de l'animal, alors c'est le pouvoir discrétionnaire des juges qui tranchera comme dans le cas de la garde d'enfant.
En l'absence de contrat écrit concernant l'acquisition de l'animal, plusieurs possibilités sont offertes aux maîtres qui souhaiteraient solutionner ce problème à l'amiable. En commençant par choisir en commun avec l'autre conjoint, une personne faisant autorité en matière de connaissance canine, ou féline – juge de la société centrale canine, président ou membre du bureau de club canin régional ou du club de race… – à laquelle les parties accepteront de soumettre le différent et à l'avis de laquelle elles accepteront de se ranger. Ces conciliateurs peuvent aussi être nommés directement par la Cour d'Appel sur la demande de l'un ou l'autre maître de l'animal. Le rôle du conciliateur et ses conclusions pourront, le cas échéant, avoir la force d'une décision de justice.
Maître Bozarelli précise à ce propos que "même si ce n'est pas directement aux juges de régler le problème du devenir du chien ou du chat de la famille (comme le stipule l'article 288 du Code Civil, NDLR), ils sont tout de même obligés de se pencher sur l'intérêt du ou des enfants de la famille qui ne supporteraient pas la séparation de leur animal de compagnie, et sur l'intérêt de l'animal, lui-même susceptible de souffrir de maltraitances".
Quelques cas qui ont fait avancer les choses
C'est ainsi que le Tribunal de Grande Instance de Créteil (94) a franchi un pas, en juin 1979, en fixant des droits de visite et d'hébergement en faveur de l'époux non-gardien et en reconnaissant au gardien le droit d'obtenir une pension alimentaire pour satisfaire les besoins de l'animal. Mieux, les juges peuvent tenir compte des circonstances de la séparation, comme ce fut le cas pour le chien Platoon, en septembre 2001. La Cour d'Appel de Paris avait laissé la garde de l'animal à l'époux arguant du fait qu'il était resté avec ce dernier dans la maison conjugale alors que Madame avait, depuis longtemps, quitté les lieux avec le nouvel objet de ses amours. Le cœur à ses raisons dit-on…
Outre-Atlantique, certains juges ont pris délibérément le parti de laisser l'animal choisir de lui-même. Ils procèdent alors à des "mises en situation". L'animal installé à équidistance de ses deux maîtres est appelé par l'un et l'autre. Le juge accordera sa garde à celui des deux époux qui a su faire venir l'animal à lui. Dans certains cas inconciliables, des maîtres sont allés jusqu'à demander l'euthanasie de leur animal tant ils étaient incapables de se mettre d'accord. Mais fort heureusement, on en n'est pas encore là en France. Côté chien, un divorce peut être perçu comme une dislocation de la meute, un démembrement plus ou moins bien vécu. Le maître qui en aura la garde aura donc aussi à sa charge de donner à son toutou de nouveaux repères en étant plus présent, en le sortant peut-être davantage et en lui faisant faire de l'exercice
source;.http://www.30millionsdamis.fr/acces-
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